Numéro 33 – 27 juin 2022
Compter tous les carbones concilierait les points de vue sur le défi climatique. Nous l’illustrons avec une anticipation en trois volets qui décrit, vu de 2050, notre succès dans la transition climatique : après avoir décrit comment une Comptabilité Carbone Universelle associerait son carbone à chaque produit (le 13 juin) et à chaque financement (le 20 juin), nous décrivons ici comment elle l’associerait aussi à chaque politique. Si cette anticipation (plus sérieuse qu’elle n’en a l’air) vous intrigue découvrez en plus sur cette nouvelle manière de compter.
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Pas de transition climatique réussie sans consensus politique
-Bienvenue Irina. Tu nous as raconté la révolution de la Comptabilité Carbone Universelle, la CCU, que tu as déclenchée au début des années 2020. Particuliers, banques et entreprises ont mesuré leur contribution à l’équilibre climatique, mais ça ne suffisait pas…
-Non, dans les années 20, le thème de la transition était très partisan, entre ceux qui trouvaient qu’on ne faisait pas grand chose, et ceux qui trouvaient qu’on faisait déjà beaucoup trop. La CCU a réconcilié la politique et le climat.
-Qu’est-ce qui a permis ce miracle ?
-Tous les citoyens réclamaient « moins de com et plus de résultats mesurables ! » La CCU l’a permis. L’affichage du contenu carbone des services publics a remplacé la communication greenwashing, comme pour les grandes entreprises, on en avait parlé la semaine dernière. Et ce contenu était en effet devenu aussi facile à calculer pour les services publics que pour les entreprises : il suffisait au comptable public d’additionner les carbones contenus dans les achats publics.
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Le contenu carbone d’une école
-Oui, et l’obligation de publication de l’information publique a fait le reste.
-Exactement ! Chacun a pu comparer facilement l’efficacité carbone par euro de budget de deux villes, de deux régions, ou de deux pays. Ou le contenu en carbone d’une école, sa construction, son entretien, et demander aux élus pourquoi certaines étaient bien plus efficaces que d’autres, pour le même nombre d’enfants.
–C’est clair, partager la même boussole, les mêmes indicateurs, a simplifié le débat politique sur l’équilibre climatique.
-Oui, d’autant que la CCU plaisait aux deux grandes familles idéologiques de l’époque :
- A la famille politique qui prônait la responsabilité individuelle, elle apportait une mesure décentralisée de la contribution carbone qui laissait chacun libre de sa décision.
- A la famille politique qui prônait la solidarité collective, elle apportait un objectif commun mesurable et la mesure des contributions à cet objectif.
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Le référendum de 2027, quand les puissants ont mouillé la chemise pour le climat
-Mais il restait un sacré point d’interrogation politique ! On savait où il fallait être en 2050 mais comment être sûr que la somme des contributions de chaque personne, de chaque entreprise, de chaque nation, nous amènerait par miracle à la cible ?
-Oui, il fallait bien une contrainte politique quelque part. L’idée de génie des politiques de l’époque en France a été, malgré l’urgence, de donner sa chance au débat en annonçant quatre années de discussions conclues par un référendum entre les différentes réponses possibles ; et aussi de donner sa chance à la liberté, en annonçant que les contraintes ne joueraient que si, malgré la CCU et la responsabilisation de tous les acteurs, on décrochait de la trajectoire française pour 2050.
-Qu’est-ce qui a convaincu de laisser du temps au débat ?
-Il fallait de toutes façons trois ans pour mettre en place la CCU, et encore 2 ans pour savoir où en était par rapport à la bonne trajectoire : ça laissait tout le temps de discuter et d’arriver progressivement à quatre réponses qui recueillaient un soutien politique suffisant.
Les trois premières réponses étaient bien connues avant même le début du débat.
- Les interdictions de consommation : fallait-il imposer d’en haut une consommation frugale, interdire les voyages, plafonner le nombre de mètres carrés habitables par personne…
- La taxation de tous les carbones, au risque de blesser les faibles et de déresponsabiliser les puissants.
- La taxation des patrimoines pour financer une transition climatique décidée d’en haut.
-Trois réponses à la fois clivantes et complexes… Je comprends mieux pourquoi « Quatrième réponse » est passé dans le langage commun comme la réponse consensuelle à un défi !
-Oui. La Quatrième réponse visait les institutions qui construisent notre avenir par leurs financements : les banques et les très grandes entreprises. J’ai expliqué la semaine dernière comment la CCU permettait aux banques de suivre la contribution carbone de chaque prêt qu’elles accordaient, de chaque projet qu’elles finançaient. Et comment elles cherchaient désormais à améliorer leur contribution carbone globale, trimestre après trimestre. La Quatrième réponse prévoyait qu’en cas de retard sur la trajectoire 2050, les pouvoirs publics imposeraient aux grandes institutions à la traîne d’accélérer, tout en les laissant libres de à qui prêter ou dans quoi investir. On restait dans la logique de la CCU de choix décentralisés et d’intelligence collective.
-La suite, même les plus jeunes comme moi s’en souviennent, parce que c’est dans l’histoire de France et dans l’histoire de la Terre : le raz-de-marée des votes en France en faveur de la Quatrième réponse, son adoption dans la foulée par l’Union européenne et par tous les grands pays, y compris la Chine, le vrai démarrage de la transition climatique…
-Le plus beau, c’est qu’on n’a finalement jamais eu besoin d’activer cette fameuse Quatrième réponse !
Découvrez le débat R! en cours sur : Compter tous les carbones avec une comptabilité Carbone Universelle (la CCU)