comptons tous les carbones aussi bien que l’argent (13.06.22)

Numéro 31 – 13 juin 2022

 

Comment retirer de l’atmosphère les gaz à effet de serre qui détraquent le climat (qu’on mesure par leur équivalent en gaz carbonique ou “carbone”). Dans notre numéro sur la dernière convention Climat à Glasgow nous disions qu’elle marchait comme un conseil de classe où les dirigeants amenaient leur carnet de note. Le problème est qu’il n’y a pas de notes sur les carnets parce qu’on ne note pas de façon commune et fiable les performances en carbone des produits, des entreprises, des administrations, des pays… Notre intuition ? L’équilibre climatique en 2050 impose de compter aussi bien le carbone qu’on compte l’argent, et c’est très possible! Pour partager cette intuition, nous racontons dans ce numéro et les deux suivants une histoire: une anticipation qui regarde notre époque depuis 2050. Si ce clin d’œil vous accroche, découvrez une nouvelle manière de compter tous les carbones et rejoignez celles et ceux qui travaillent déjà sur cet ambitieux projet.

 

  • Ce qui a tout déclenché

-Bienvenue sur ce chat. Dimanche, c’était officiel : la France est à l’équilibre climatique ! Pour cette date historique, nous avons la chance d’avoir avec nous Irina qui, chacun le sait, a tout déclenché en inventant il y a presque 30 ans la Comptabilité Climat Universelle. Irina, peux-tu nous dire comment cette idée t’est venue ?

-Je n’ai rien inventé ! Cela faisait déjà des années qu’on savait qu’il fallait réduire avant 2050 les tonnes de gaz carbonique allant dans l’atmosphère et on savait même de combien. Des années aussi que les grandes entreprises comptaient ces tonnes dans des bilans carbone…

-Y compris celle qui t’employait comme comptable !

-Bien sûr, elle fabriquait déjà des yogourts. Mon illumination est venue un jour de profonde déprime. Je m’en souviens très bien, je venais de faire mon bilan carbone sur le site de l’ADEME : j’avais vu d’où venaient « mes » 11 tonnes de carbone annuelles, celles dont j’étais responsable et on m’invitait à tester ce que je pouvais gagner, en changeant différentes choses dans ma vie.

-Et c’était déprimant ?

-Complètement ! En vivant comme une Amish, je descendais de 11 tonnes à 9 tonnes, quand il fallait être à 2 tonnes ! Je carburais au yogourt à l’époque: frigo vide, je descends m’en acheter, et au supermarché, je trouve trois marques avec leur prix en euro mais impossible de savoir leur coût en carbone, alors que je savais bien que je le calculais au boulot.

 

  • L’affichage carbone, ça marche même s’il y a des sceptiques

-Il n’y avait pas d’affichage des coûts en carbone ?

-Tu es trop jeune pour t’en souvenir, mais au début des années 20 il n’y avait rien ! Et là, j’ai eu un déclic: si on arrivait à afficher le coût en carbone jusqu’au client final, ce serait un pas gigantesque vers l’équilibre climatique.

-Qu’est-ce qui te rendait si sûre ? Il y avait encore beaucoup de climatosceptiques, non ?

-Surtout des climato-indifférents ! Mais si tu es une entreprise, à la minute où tu apprends qu’on va afficher aux clients les coûts en carbone, tu demandes à tes ingénieurs et à tes fournisseurs d’innover pour les réduire. Tu demandes aussi à tes commerciaux de revoir leurs argumentaires. A prix égal, les clients sensibles au défi climatique vont préférer le plus efficace en carbone, et c’est des euros en plus ou en moins pour l’entreprise.

-Et ça a marché bien au-delà de ce dont tu rêvais ! Tu me racontais avant l’émission l’histoire de la gourde…

-Oui, le lendemain de l’affichage des coûts carbone, les primes “gratuites” ont disparu ! La gourde écologique offerte n’était plus cool s’il fallait afficher au client son coût en carbone, gonflé à l’inox chinois chauffé au charbon !

-Et comment ces coûts ont pu se mettre en place en trois ans ?

 

  • Suivre les carbones, du puits pétrolier jusqu’au particulier

-Parce qu’on a utilisé les comptables, ces petits elfes invisibles qui comptent les coûts en euros à partir des factures. Les comptables allaient permettre à l’humanité de relever le défi climatique en comptant aussi les coûts carbone au kilo de CO2 près, avec leur précision bien connue.

-Belle mission !

-Oui, et mission relativement simple. Dans la majorité des cas, le comptable n’a eu qu’à additionner les coûts carbone sur les factures de ses fournisseurs, et à diviser le total par ses ventes. S’il récupère 2 millions de carbones et vend 1 million d’euros, les produits de l’entreprise contiennent 2 carbones par euro, et c’est ça qu’elle va mettre sur ses factures, ses clients vont faire pareil, jusqu’à l’acheteur de yogourt !

-C’est tout ?

-Presque… Certaines entreprises sont des producteurs primaires de carbone, en plus ou en moins : les pétroliers, les éleveurs, les gérant d’espaces naturels, les producteurs de certains procédés industriels… Pour elles, le comptable a validé que l’entreprise utilisait une règle GIEC pour calculer ses carbones en fonction du nombre de barils de pétrole ou de vaches. Mais on a réutilisé tout ce qui existait déjà, en rajoutant un chiffre carbone dans les chaînes informatiques.

-Et les carbones ont coulé gentiment du puits de pétrole jusqu’au client.

-Oui, il a seulement fallu attendre que les coûts arrivent en bout de chaîne, comme quand on amorce une pompe, pour afficher les coûts aux particuliers, mais partout dans le monde toutes les entreprises étaient passées à la vitesse supérieure.

-Merci Irina. Les coûts carbone ont été un beau succès en permettant à chacun de faire entendre ses choix carbone aux producteurs. La semaine prochaine tu nous parles d’un second succès de la comptabilité carbone : le calcul précis des performances carbone, qui a permis à la finance de concilier performances en carbone et performances en argent.

 

Découvrez le débat R! en cours sur : Compter tous les carbones avec une comptabilité Carbone Universelle (la CCU)