la Terre après Glasgow (29.11.21)

Numéro 3, 29 novembre 2021

 

  • La routine des COP ne suffira pas

La COP26 est terminée, l’intérêt collectif a-t-il progressé ? L’impression dominante est celle d’une routine, avec des communiqués écrits avant la réunion donnant rendez-vous pour la COP27 et l’année 33 du GIEC. Cette routine est nécessaire pour tenir le cap pendant un siècle et la routine COP est astucieuse. Elle fonctionne comme un conseil de classe annuel où chaque dirigeant apporterait son carnet de notes devant le GIEC, devant ses pairs et devant l’opinion publique internationale, pour s’entendre dire : peut mieux faire !

Le malaise vient probablement de ce que nous sommes dans une catastrophe pour laquelle aucun effort ne nous est demandé : c’est louche, parce que pour le Covid 19 nous voyons très bien les efforts et les contraintes exigées. Chacun rentre donc chez soi avec un mélange de soulagement et de mauvaise conscience. Nous sentons que cette routine des petits pas sera du temps perdu tant qu’on n’aura pas clairement dit quels sacrifices seraient nécessaires et comment ils seraient partagés. Pour y parvenir, il faudrait oser nous poser quatre défis.

  • Maîtriser notre addiction à l’énergie

Nous nous débarrasserons des gaz à effet de serre en modifiant profondément notre production et notre consommation d’énergie, qui représentent les trois-quarts (73%) du problème. Tous les débats portent sur comment produire, mais rien n’est dit sur comment maîtriser notre consommation d’énergie. Jusqu’ici, l’humanité n’a jamais réussi à ne pas consommer toute l’énergie disponible, elle n’a jamais renoncé à une énergie accessible : ni au charbon, ni même au bois ! Nous continuerons de tout brûler tant que nous ne mettrons pas sur la table le défi d’apprendre à maîtriser notre consommation d’énergie, par le bon mélange de choix individuels et collectifs. Et donc, recomposer notre consommation, en prenant plus de plaisir à une formation artistique qu’à un voyage en avion.

 

  • Réinventer nos outils politiques démocratiques

Notre consommation ne va pas bouger toute seule, chacun en a conscience mais se dit : pourquoi moi ? Les commentaires dominants post-COP26 ont été : “Les autres font bien moins que nous”, ou “Les dirigeants sont irresponsables”. Mais nos dirigeants nous ressemblent et c’est notre système politique qu’il faut regarder au fond des yeux. L’immense différence du dérèglement climatique avec le Covid 19 est son développement très lent à l’échelle de la courte vie humaine. Pour des urgences aussi lentes, la concurrence démocratique entre dirigeants politiques n’a que des inconvénients : il est suicidaire de parler de contraintes aux électeurs ; et impossible de maintenir le cap pendant des décennies à travers les alternances politiques. Le deuxième défi est d’inventer les outils démocratiques capables de nous engager durablement collectivement.

 

  • Être solidaires face à la catastrophe

Une catastrophe rapproche ou divise, on l’a vu avec les guerres ou aujourd’hui avec le Covid 19. Alors qu’un effort collectif exige un consensus, le climat nous divise fortement, à la fois entre jeunes et vieux et entre riches et pauvres.

La révolte de beaucoup de jeunes derrière Greta Thunberg contre des « vieux irresponsables » nous rappelle qu’une urgence lente menace plus les jeunes : elle oblige à choisir entre des contraintes aujourd’hui et des contraintes pires demain. Cette révolte souligne aussi à quel point nos mécanismes politiques et économiques donnent plus de pouvoir aux vieux.

Les ressources pour affronter la catastrophe climatique sont inégales entre les pays et pire, les menaces sont concentrées sur les pays les plus faibles. Mais nous n’avons pas de mécanisme de redistribution digne de ce nom au niveau de la Terre.

Le troisième défi est donc d’inventer des mécanismes politiques qui discutent de la viabilité de la Terre en termes de justice, entre les générations et entre les pays. Ils devraient donner plus de poids aux jeunes et permettre la redistribution nécessaire.

 

  • Orienter l’épargne vers les réponses à la catastrophe

Pour tout refaire sur le mode durable, il faut investir énormément d’argent et c’est très possible puisque l’épargne dans les pays riches est gigantesque. Mais on a un problème de tuyauterie : comment orienter cette épargne vers des investissements durables ?

Les gouvernements ont une partie de la solution à travers les investissements publics (si on résout le troisième défi) mais l’essentiel est ailleurs, dans l’investissement privé décidé par de grands acteurs économiques : les grandes banques, qui ont largement le monopole des prêts et des placements de l’épargne des particuliers et des entreprises ; les majors pétroliers, qui bénéficient d’énormes surplus investis encore massivement dans le développement d’énergies carbonées ; les GAFAM dont l’argent va dans des projets sans lien avec le dérèglement climatique. Le défi est que la collectivité mette son nez dans ces choix privés pour les synchroniser avec la catastrophe climatique. C’est à la fois facile, parce que cela ne toucherait ni la consommation, ni les impôts des électrices et des électeurs ; et difficile parce que cela réduirait fortement la marge de manœuvre de ces géants.

 

Vivement que ces quatre défis soient sur la table, et peu importe si la routine s’installe ensuite dans un enchaînement de COP : quand on est d’accord sur le point d’arrivée et qu’on avance en étant bien ensemble, on savoure même un très long voyage !

 

Ce bilan en 900 mots de la COP26 est forcément trop rapide.

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