les carbones de la finance (20.06.22)

Numéro 32 – 20 juin 2022

 

Compter tous les carbones concilierait les points de vue de la production, de la finance et de la politique sur le défi climatique. Nous l’illustrons avec une anticipation en trois volets qui décrit, vu de 2050, notre succès dans la transition climatique : après avoir associé son coût carbone à chaque produit (notre numéro précédent), nous décrivons ici comment on a mesuré la performance carbone de chaque entreprise et de chaque prêt. Si ce clin d’œil vous accroche, découvrez cette nouvelle manière de compter tous les carbones et rejoignez celles et ceux qui travaillent sur le projet.

  • Pas de transition climatique sans finance climatique

-Bienvenue à nouveau Irina. Tu nous as raconté la révolution de la Comptabilité Carbone Universelle que tu as déclenchée au début des années 2020. L’arrivée d’un contenu carbone pour chaque produit a permis aux consommateurs d’orienter la production vers la transition climatique par leurs achats. Mais ça ne suffisait pas…

-En effet : les consommateurs construisent le monde d’aujourd’hui mais les financiers construisent celui de demain. Les scientifiques, les ingénieurs peuvent avoir des idées géniales pour le climat, les seuls projets qui verront le jour sont ceux acceptés par les financiers. Dans les années 20, les financiers s’appuyaient sur UN chiffre pour sélectionner un bon projet : ce qu’il rapportait en argent, ses résultats financiers.

-Ils ne s’intéressaient pas au climat ?

-Ils en parlaient beaucoup mais ne savaient pas le mesurer. Ils n’avaient aucun chiffre fiable pour comparer deux projets, deux entreprises, deux crédits sur leur contribution à l’équilibre climatique. Alors ils faisaient de la com’, des belles photos, des labels verts. Le greenwashing était roi…

 

  • La fin du greenwashing

-Greenwashing ?

-Oui, le mot a disparu. C’était se faire plus vert qu’on n’est vraiment. La Comptabilité Carbone Universelle a donné une performance carbone aussi précise que la performance financière : la contribution carbone, la contribution de l’entreprise à l’objectif de retrait de carbone de l’atmosphère sur la période. Et d’un coup, le greenwashing des entreprises a disparu…

-Pourquoi ?

-Pourquoi Google aurait-il continué d’investir des millions dans son image verte alors que chaque trimestre le communiqué de ses résultats affichait sa contribution carbone, c’est à dire combien de carbones son activité avait ajouté ou retiré de l’atmosphère. Ou sa contribution était bonne, et c’était inutile d’en dire plus. Ou elle était mauvaise et c’était encore plus inutile ! La Terre entière pouvait mesurer tous les trimestres la contribution carbone de Google, au kilo près !

-Tempête dans les crânes !

-Oui, le risque de réputation était devenu le premier risque de toutes les grandes entreprises de la planète, et la plupart ont découvert que leur contribution carbone était médiocre, et qu’elle n’allait pas s’améliorer toute seule ! Elles ont arrêté d’un coup d’investir dans la com’ verte et mis au contraire le turbo sur les investissements dans des innovations améliorant leur contribution carbone, ou en encourageant leurs clients à adopter des produits moins carbonés . Google comme les autres a dû revoir brutalement le choix des projets financés, mais a réussi à rééquilibrer sa contribution carbone et ses profits financiers…

 

  • La contribution carbone équilibre le profit financier

-Et les financiers qui conseillent les particuliers ?

-Ils se sont vite adaptés pour les placements en actions. La contribution carbone d’une action d’entreprise était celle de l’entreprise et elle marchait comme la résultat financier : universelle, sécurisée par les comptables, facile à calculer sur un portefeuille … et facile à expliquer aux particuliers qui ont vu apparaître la contribution carbone de leurs placements actions à côté du rendement financier. Chacun a pu, comme pour les produits, choisir la meilleure performance carbone, à performance financière équivalente.

-Un formidable appel d’air pour financer l’innovation.

-Oui. C’est à ce moment qu’on a commencé à parler des « puits de carbone », ces start up qui ont attiré des financements gigantesques en diffusant les techniques les plus efficaces pour piéger les carbones, à la manière des puits de carbone naturels, la mer, les forêts… Toute la finance était à la recherche de ce qu’elles offraient : des innovations efficaces, diffusées rapidement grâce à des licences libres, et une remontée de contributions carbones énormes à leurs actionnaires.

 

  • Les banques au service de la performance carbone

-Mais ça ne suffisait pas à rendre la finance verte…

-Et non… Le greenwasing continuait de sévir dans les prêts: chaque banque annonçait verdir ses prêts mais ni elles ni personne n’avait un moyen simple de le vérifier. Je me souviens d’un scandale au début des années 20. Un prêt de plus d’un milliard, labellisé vert par une grande agence américaine : l’heureux labellisé était une chaine de supermarchés dont le produit d’appel était de mettre dans chaque magasin, à Dubaï, à Shangaï, au Caire, une piste de ski intérieure et des pingouins nourris en poisson frais norvégien amené par avion. Tous les grands noms de la banque ont été éclaboussés.

-Et une mesure toute bête tirée de la Comptabilité Carbone Universelle a donné la solution…

-Oui. On a demandé aux banques de “noter” chaque prêt à une entreprise avec sa contribution carbone. On a immédiatement pu évaluer chaque prêt et tous les prêts d’une banque, de trimestre en trimestre. On partageait enfin la même boussole carbone pour tous les prêts de la planète. Le greenwashing a disparu pour Deutsche Bank comme il avait disparu pour Google. Et l’astuce du prêt-pingouin devenait impossible : une entreprise marron ne pouvait plus faire financer par les banques ses projets verts et financer elle-même ses projets marrons.

-Merci beaucoup Irina, c’était passionnant ! La Comptabilité Carbone Universelle a réconcilié la finance et le climat. Tu nous racontes la semaine prochaine comment elle a aussi réconcilié la politique et le climat.

 

Découvrez le débat R! en cours sur : Compter tous les carbones avec une comptabilité Carbone Universelle (la CCU)