Numéro 52 – 25 janvier 2023
Ce numéro illustre notre thème R! : Les peines d’intérêt collectif. Il s’inspire pour ses sources du blog de Xavier Denecker.
Le sur-emprisonnement présente un coût énorme pour la collectivité
La France augmente sans cesse ses places de prison, alors qu’on a déjà beaucoup trop d’emprisonnés, si on se compare à des voisins européens où le niveau de sécurité est équivalent : proportionnellement, nous avons 50% d’emprisonnés de plus qu’en Allemagne, 100% de plus qu’aux Pays Bas. L’emprisonnement est souvent sordide : la France est régulièrement pointée du doigt par les instances internationales. Et l’emprisonnement est toujours couteux, financièrement (40 000€ par an et par emprisonné) et socialement (les prisonniers sortent souvent déclassés et frustrés, parfois dangereux).
Le plan d’action pour la justice du 5 janvier ne règlera pas ce fléau
Il confirme 15.000 places nouvelles : avec 120% de surpopulation en prison, c’est seulement 3.000 places en plus SI le nombre de condamnés n’augmente pas et il augmente toujours. Les dépenses de fonctionnement de ces 15.000 places rendront demain la justice encore plus pauvre (c’est le même budget). Le plan annonce plus de magistrats, de greffiers, de moyens informatiques, une simplification des procédures de police judiciaire : c’est indispensable, mais cela ne fait pas moins d’emprisonnés. Parce que les juges incarcèrent toujours plus (en 20 ans, deux fois plus de peines correctionnelles d’emprisonnement) et plus longtemps, parce que les députés le demandent : beaucoup de faits divers conduisent à un allongement des peines. La constitution interdit à nos députés de voter une dépense sans recette, sauf pour les peines de prison. L’accélération de la justice ne désengorge pas les prisons : la comparution immédiate, faite pour désengorger la justice, a engorgé la prison, en décidant des emprisonnements plus fréquents.
Enlever la prison de nos têtes
L’emprisonnement comme réponse à tous les problèmes est une croyance collective dure dont il sera long de se défaire. Certains défendent la “Régulation carcérale” (un prisonnier rentre, un prisonnier sort) : elle est trop arbitraire pour faire consensus. Dans un état de droit, un condamné mérite sa punition, aux erreurs judiciaires près. Et s’il menace la sécurité collective, il faut l’enfermer. Simplement, « punition » ne veut pas dire « prison » et « sécurité » non plus. Tout notre système est organisé autour d’une unité : l’année de prison. La durée est une bonne mesure, mais pourquoi « de prison » ?
Une double alternative à l’année de prison
Nous suggérons de réfléchir au remplacement de l’unité “année de prison” par deux unités différentes.
- Un temps d’enfermement, sous réserve de retour à la sécurité pour la collectivité.
- Un temps de « mise à disposition de la collectivité », correspondant à une limitation des déplacements et à un prélèvement sur les revenus et le patrimoine. La collectivité attend du coupable qu’il « paie » sa faute vis-à-vis d’elle.
Les deux éléments sont disjoints. Le premier seul se pose pour un inculpé : il peut être dangereux dès son inculpation, alors qu’il est présumé innocent. Inversement une personne peut être parfaitement coupable et parfaitement inoffensive. Ce qui nous choque profondément dans l’affaire Outreau dont un documentaire vient de fêter l’anniversaire, c’est que des personnes parfaitement inoffensives aient pu pourrir 30 mois en prison. Ou inversement que William M., le tueur d’exilés Kurdes, une personne ayant commis des attaques graves, n’ai pas été interdit de détention d’arme, ni fiché comme individu dangereux et avait été libéré automatiquement de préventive … sur la base de la durée de prison prévue pour son accusation.
Faire preuve d’imagination pour nous réconcilier sur les punitions
On peut sûrement imaginer une définition de la « mise à disposition de la collectivité ». En en discutant, en examinant les pays étrangers… Et on peut sûrement imaginer un système consensuel d’évaluation de la « sécurité pour la collectivité » … parce qu’il existe aussi comme l’ont montré plusieurs documentaires récents tournés en Allemagne, au Québec ou en France : comment on travaille sur des indicateurs d’absence de danger, à partir d’éléments objectifs, comment on suit l’investissement du prisonnier dans des liens, dans des passions, dans une activité professionnelle… son parcours personnel de retour à la collectivité. Et on y arrive pour les enfermements psychiatriques, dont la problématique n’est pas tellement différente.
Nous continuons d’en discuter en espérant lancer une action sur ce thème en 2023.